C’est un revers majeur pour le champion français de la recherche en ligne, qui espérait faire plier le géant américain sur le terrain du droit de la concurrence. Ce mardi 2 décembre 2025, l’Autorité de la concurrence a officiellement rejeté la plainte déposée par Qwant contre Microsoft. Le moteur de recherche français accusait la firme de Redmond de pratiques anticoncurrentielles via son service Bing, mais le régulateur a estimé que les preuves fournies étaient insuffisantes pour démontrer une position dominante ou un abus de dépendance économique. Une décision qui sonne comme un coup de massue pour Qwant, qui a immédiatement annoncé sa volonté de faire appel, refusant de laisser ce verdict sceller son avenir.
Au cœur de cette décision juridique réside une analyse de marché que Qwant juge trop simpliste. L’Autorité de la concurrence, s’alignant sur la jurisprudence européenne, considère que le véritable hégémon du secteur est Google, qui écrase la concurrence sur la recherche en ligne. Dans cette optique, Microsoft, avec ses parts de marché plus modestes, ne disposerait pas de la puissance nécessaire pour verrouiller le marché. Le régulateur a également écarté l’idée que Qwant, bien que client des infrastructures Azure et des technologies Bing depuis plusieurs années, se trouve dans une situation de dépendance économique exploitée abusivement par son partenaire américain.
Pourtant, la réalité opérationnelle décrite par l’entreprise française est bien plus complexe. Qwant souligne une anomalie structurelle du marché : Google refusant de partager ses technologies, Microsoft reste le seul acteur capable de fournir des services d’indexation (syndication) aux moteurs alternatifs européens. De fait, l’entreprise française estime que Microsoft détient un monopole de fait sur ce segment précis de la fourniture de résultats « de gros ». Olivier Abecassis, directeur général de Qwant, pointe du doigt des manœuvres jugées déloyales, notamment une augmentation brutale des tarifs de l’API Bing Search début 2023, suivie de l’annonce de son arrêt en 2025 au profit de nouveaux outils orientés vers l’intelligence artificielle.
Les conséquences de ces changements stratégiques imposés par Microsoft sont lourdes pour l’acteur français. La direction affirme que ces décisions unilatérales ont eu pour effet de diviser par deux les revenus de l’entreprise, asphyxiant sa capacité d’investissement et de développement. Pour Qwant, il ne s’agit pas seulement d’une dispute commerciale, mais d’une tentative délibérée d’étouffer l’émergence d’une concurrence européenne crédible en lui coupant l’accès aux données brutes, ressource indispensable pour exister face aux géants de la Silicon Valley.
Au-delà du cas particulier de Qwant, ce dossier met en lumière les enjeux cruciaux liés à l’intelligence artificielle générative. L’accès aux infrastructures de recherche et aux bases de données mondiales est devenu la pierre angulaire de l’innovation dans l’IA. En verrouillant ou en renchérissant l’accès à son index web, Microsoft consolide sa position et celle de ses partenaires, laissant peu de marge de manœuvre aux acteurs souverains qui ne disposent pas de leurs propres robots d’indexation à l’échelle planétaire.
En portant l’affaire en appel, Qwant espère forcer les régulateurs à adopter une vision plus fine des infrastructures numériques. L’entreprise entend démontrer que la souveraineté numérique ne peut exister si les acteurs européens restent tributaires du bon vouloir technologique et tarifaire des groupes américains. En attendant la suite de ce feuilleton judiciaire, le moteur de recherche réaffirme sa détermination à construire un écosystème numérique ouvert et responsable, malgré un horizon qui s’assombrit considérablement.
